Entre le faible développement du tourisme, la crise pandémique et les exactions, ce secteur d’activité est en pleine crise. Doit-on craindre un effondrement de l’hôtellerie ?
Depuis le 13 mai, la Nouvelle-Calédonie fait partie des destinations à éviter pour un grand nombre de pays. Par exemple, le gouvernement du Canada déconseille « tout voyage non essentiel en Nouvelle-Calédonie en raison des tensions politiques accrues et des troubles civils ». Pourtant, les chiffres du tourisme étaient à la hausse dernièrement. La stratégie de relance post-pandémie commençait à porter ces fruits : en 2023, la Nouvelle-Calédonie avait quasiment retrouvé sa fréquentation d’avant la crise covid. Pour 2024, l’objectif était donc de poursuivre cette relance en augmentant le nombre de touristes de 9,4% par rapport à 2023. Mais aujourd’hui, tout est à refaire. Le constat est clair : « si on ne doit compter que sur le tourisme, les hôtels sont à risque de fermeture », explique Yannick Gloux-Bauchet, directeur général du Stanley.
Une perte de la clientèle d’affaires
Ce tableau de la situation est tout de même à nuancer. Même avant le 13 mai, la situation des hôtels calédoniens n’était pas au beau fixe. Souvent complets le week-end grâce à un déplacement interne de la population, les structures hôtelières peinaient à remplir leurs chambres en semaine. Beaucoup d’établissements avaient donc décidé de se tourner vers un autre type de clientèle, « la clientèle d’affaires, étroitement liée au fonctionnement des mines et de leurs sous-traitants, souligne Yannick Gloux-Bauchet. L’arrêt de l’usine du Nord et le ralentissement des deux autres n’étaient déjà pas un bon signe pour nous. On s’aperçoit que rien que l’effet d’annonce a un impact : dès qu’une mine annonce un ralentissement, on observe une chute des réservations. Quand la mine va bien, l’économie va bien ». En lien avec la clientèle d’affaires, certains hôtels accueillaient différents événements en rapport avec le monde du travail : séminaire, colloque, congrès, etc. Avec la crise économique et les nombreuses entreprises impactées, il est fort à parier que ce genre d’événements ne sera pas reconduit dans l’immédiat.
Un choix à faire
Pour Yannick Gloux-Bauchet, nous sommes face à une situation complexe : « Pour qu’une destination fonctionne, il faut qu’elle propose de nombreuses chambres d’hôtels, souligne-t-il. Pour que des tours opérateurs s’intéressent à la Nouvelle-Calédonie, il faut qu’ils aient la garantie d’avoir du répondant en face. Nous sommes loin d’avoir la capacité nécessaire pour être vraiment une destination touristique. Mais c’est sûr que c’est un peu absurde : si on construit des chambres d’hôtels, on se tire une balle dans le pied économiquement… Mais l’un ne va pas sans l’autre. Pour être une destination reconnue, il faut avoir de l’offre. C’est un choix stratégique ». La question se pose donc : veut-on œuvrer pour que la Nouvelle-Calédonie devienne une destination touristique reconnue, proposée par de nombreux tours opérateurs dans le monde ? Si ce choix est financièrement intéressant, il présente certains inconvénients, notamment au niveau de l’impact environnemental. Quoi qu’il en soit, ce sont à nos élus de trancher.
S’ouvrir au marché européen
Une autre piste évoquée par Yannick Gloux-Bauchet pour relancer le tourisme, c’est la création d’un vol direct vers l’Europe assuré par Aircalin. « Ce qui était souhaitable avant les exactions est maintenant une urgence, explique-t-il. Lancer une ligne directe accompagnée d’une politique tarifaire agressive similaire à la stratégie de la Polynésie française permettrait d’avoir un espoir de relance assez rapide. S’il y avait une urgence à avoir en matière de développement touristique ciblé, pour moi ça serait le transport aérien, et que la Nouvelle-Calédonie ait la maîtrise du vol Nouméa-Paris du début à la fin, pour ne plus être dépendants des autres compagnies aériennes ».
Une relance très attendue
Le directeur général du Stanley aborde également le rôle des structures hôtelières dans la relance économique post-crise. « On peut espérer qu’il y ait une relance économique, et c’est là que les hôtels peuvent avoir leur rôle à jouer, puisqu’il faudra héberger du monde, précise-t-il. Il nous faudra des compétences que nous n’avons pas forcément sur le territoire ». Néanmoins, il admet que cette vision ne reste qu’une supposition, et qu’il faudra attendre de voir si cette fameuse relance a bien lieu. Et la brousse ? S’il y a de l’espoir pour les hôtels nouméens, les structures situées en brousse sont un peu plus pessimistes. « Les gens ne sont pas forcément à l’aise de se déplacer dans le Nord et dans les îles pour le moment », souligne Yannick Gloux-Bauchet. En conséquence, de nombreux hôtels sont à l’arrêt total en attendant de retrouver une certaine visibilité.
Une aide indirecte de l’État
Aujourd’hui, une partie des hôtels du territoire sont réquisitionnés par l’État afin d’y héberger les forces de l’ordre. Cette réquisition permet aux structures de survivre malgré la crise. Pour le moment, les structures hôtelières n’ont pas de visibilité sur la fin de la réquisition, mais il semblerait que celle-ci se poursuivra minimalement jusqu’à la fin de l’année.
Kim Jandot