Le 24 septembre 1853, l’archipel baptisé « New Caledonia » par James Cook en 1774, fut rattaché à l’Empire français dirigé par Napoléon III. Ce fut l’époque de la colonisation dont le préambule de l’Accord de Nouméa, signé par le RPCR comme par le FLNKS, reconnaît une part d’ombre, et une part de lumière. Les procès faits à l’époque coloniale passée mettent en relief, avec justesse, les appropriations de terres, les déplacements, le régime de l’indigénat et les sévices infligés aux Kanak.
Or, il n’existait pas, à cette époque, de « peuple kanak ». Les sociétés kanak étaient organisées en véritables nations, dotées chacune d’un territoire, d’une organisation sociale et d’une langue. Les guerres, entre ces nations, n’étaient pas rares. Témoin, l’étendue dans le sud de Plum, connue sous le nom de « plaine du champ de bataille ». En ces lieux, les clans de Kunié et ceux de Goro et de Touaourou se sont livrées des batailles meurtrières.
Que dire de la poursuite de cette situation, si l’isolement avec l’extérieur de ces mondes avait perduré ? Côté « ombre », bien sûr, pas de spoliations, pas de régime comprenant les atteintes aux droits de l’homme, des droits reconnus légitimes par la France, puis par les nations occidentales. Les nations kanak seraient restées en l’état, retirées de l’environnement planétaire à l’instar des clans Korowai, en Papouasie-Nouvelle Guinée, conservant tous les attributs des organisations et des valeurs ancestrales. Intactes, et non spoliées.
Ainsi, un tel isolationniste aurait tenu la Grande Terre et les Iles à l’écart des grandes découvertes qui ont forgé, notamment, les sociétés européennes. Au cours des siècles passés, à l’issue des périodes de l’Antiquité, puis de celles qui ont suivi, l’organisation politique, administrative, la science, les techniques, la médecine, dans ces pays, a accompli des progrès qui ni la Grande Terre, ni les Iles n’avaient connu. Et n’auraient pu connaître.
Dans les « premières nations » de l’archipel, en effet, point de recherche scientifique, point d’applications en matière de travaux publics, point d’organisation unitaire sur l’ensemble des territoires, point de langue commune permettant, à la fois, la communication entre tous, et l’accès au savoir universel, progressivement, pour tous. Sans les apports imposés au cours de la période coloniale, l’état des « premières nations », des clans, des familles, serait demeuré tel qu’il se pérennisait, depuis 3.000 ans.
C’est ainsi que la séquence coloniale, imposée par la France – tout comme elle aurait pu l’être par l’Angleterre, la Hollande, l’Espagne ou l’Allemagne -, possède ses ombres et ses lumières.
Les ombres sont en permanence décrites dans les discours décoloniaux. Chacun les connaît et en reconnaît la réalité. Les lumières, elles, se manifestent au quotidien par l’enseignement, la médecine, les infrastructures, les équipements, les organisations modernes, et, plus simplement, l’existence de la démocratie. Tout cela n’existait pas avant ce fameux 24 septembre 1853.
La question est de savoir si les « premières nations » seraient plus heureuses dans un isolationnisme pérenne, jouissant de tous les aspects de leur vie traditionnelle, mais échappant à tous les progrès que la planète a connus depuis cette date. Question personnelle, réponse personnelle. Pour autant, à chaque 24 septembre, date du « rattachement » de la Nouvelle-Calédonie à la France, et désormais Fête de la Citoyenneté imaginée par une indépendantiste fameuse, Dewe Gorodey, ces réflexions n’occultent en aucune manière la réalité d’hier et d’aujourd’hui. Mais elles devraient l’éclairer.