C’est incontestable. La venue du président du Sénat et de l’Assemblée Nationale est, en elle-même, un événement. D’une part, cette visite conjointe est une première dans les annales calédoniennes, et peut-être, dans celles de l’Outre-mer français. Elle prend encore plus de relief lorsque l’on souligne deux faits. Le premier est que, à l’issue de la dissolution, et en l’absence de majorité absolue à l’Assemblée, le vote des lois de la République dépend des groupes qui y siègent, le président de la République et le gouvernement y étant subordonnés. Le second est que le Parlement est actuellement en session avec un ordre du jour comprenant l’acte le plus important de la Nation : le vote du budget de l’État pour l’exercice 2025. L’absence des deux présidents, pendant une semaine, témoigne de l’intérêt de ces deux personnalités pour la question calédonienne.
C’est également incontestable : les deux présidents reprennent l’antienne développée depuis 36 ans. Il s’agit de trouver, pour la Nouvelle-Calédonie, un avenir partagé pour deux thèses radicalement opposées : rester dans la République d’une part, sortir de la République, d’autre part !
Ce rêve, pour dire vrai, était déjà celui contenu dans les Accords de Matignon. Il a été renouvelé lors de l’Accord de Nouméa, et plus particulièrement dans le préambule. Il peut se résumer en deux mots : concilier l’inconciliable. Les choses se sont bien passées pendant plus de trente ans. Mais les trois référendums – une répétition absurde- a rappelé chacun à la réalité. Dans les recettes actuelles, il n’est pas possible de fusionner l’eau et l’huile.
Il en va de même pour les recettes statutaires évoquées. Déjà, Edgar Pisani avait évoqué l’hypothèse d’une indépendance-association en janvier 1985. Avec le succès que l’on sait. Mais quelle autre recette, sous des habillages différents, comme récemment évoqué encore par Jean-Jacques Urvoas, expert, ancien ministre, à la grande ouverture d’esprit ?
« Conjuguer les deux rêves » est une belle formule. Mais l’idée sous-jacente fait l’objet déjà de 35 ans de réflexions ! Arrivés au pied du mur, les Calédoniens comme les différents responsables de l’État n’ont pu le franchir. Aujourd’hui, sauf à ce que l’Union Calédonienne se rapproche de la position du Palika, aucun consensus n’est possible.
La réalité, c’est qu’aucun accord définitif n’est possible sans un changement de mentalité. Cette évolution sera nécessaire dans les deux camps qui s’affrontent sur le plan des convictions depuis 50 ans. Elle sera peut-être possible en raison de la situation nouvelle dans laquelle a sombré la Nouvelle-Calédonie. De ce point de vue, la pédagogie pourrait un rôle encore plus grand que l’imagination juridique et les postures politiques. Une pédagogie susceptible de faire dépasser les clivages et transcender l’idée que les uns et les autres se font de la Nouvelle-Calédonie du futur, apaisée et stabilisée. Introduire une méthode différente, plus subtile, davantage bienveillante, prônée par les deux présidents des Chambres parlementaires pourrait-elle faire avancer le schmilblick calédonien ? Après tout, pourquoi pas.