Que de salive et d’encre autour de la locution « le peuple calédonien ». Sans se limiter aux interprétations juridiques, voire constitutionnelles, quelles sont, d’une part, sa réalité, et d’autre part, sa « charge » politique ?
DESTIN COMMUN
OU VIE COMMUNE OBLIGÉE ?
Existe-t-il un « peuple calédonien » ? Au delà du slogan ou de l’opération de communication, l’affirmer serait bien présomptueux. Il existe, en Nouvelle-Calédonie, une population somme toute très clivée. Le destin commun, rabâché à toutes les sauces, est davantage une incantation qu’une profonde volonté. En ces temps de referendum, vivre ensemble apparaît plutôt comme une obligation que comme une aspiration.
D’ailleurs, une partie de cette population n’envisage son destin que dans la République française, tandis que l’autre ne la conçoit que dans un pays souverain et indépendant.
Lorsque les deux parties se seront accordées sur une situation institutionnelle définitive, il sera alors temps de parler de « destin commun ».
UNE COMMUNAUTÉ
À dire vrai, il n’est pas stupide de parler d’un peuple, fut-il à l’intérieur d’une nation, dès lors que ses composantes forment une ou des identité solidaires. Ce n’est pas le cas de la Nouvelle-Calédonie où la majeure partie des habitants, non kanak, ne revendiquent aucune identité !
On voit bien ainsi que les 280 000 habitants du territoire, qui vivent sur un même archipel, forment davantage une communauté qu’un peuple, et que le seul peuple politiquement reconnu est le peuple kanak.
LA MESSE EST LOIN D’ÊTRE DITE
Quant à la charge politique du mot, elle prend tout son sens si on l’intègre dans la notion de nation. Une nation, c’est généralement un pays avec des frontières, une langue commune et … un peuple.
Certes, cette définition n’est pas absolue.
Il existe ou il existé des peuples sans nation. Le peuple juif, avant la fondation de l’Etat d’Israël, ou encore le peuple Kurde.
Elle peut être également plus explicative, voire intellectuelle et affective. Disraeli et Renan ont publié des paragraphes fameux sur le sujet alors que l’Angleterre et la France constituaient des nations fortes en Europe. « Avoir des gloires communes dans le passé, une volonté commune dans le présent, avoir fait de grandes choses ensemble, vouloir en faire encore, voilà les conditions essentielles pour être un peuple« , écrivit le célèbre philosophe, homme de lettres français.
Au delà, c’est la politique qui peut prendre la main, soit en forçant le trait, soit en privilégiant, ou le virtuel, ou le réel.
De ce point de vue, en Nouvelle-Calédonie, la messe est encore loin d’être dite. C’est le moins que l’on puisse dire …
JC Gaby Briault