Depuis le 13 mai, la Nouvelle-Calédonie traverse une crise sociale de grande ampleur, dont les conséquences se feront ressentir encore longtemps. Si certains ont pris la décision de quitter le Caillou, d’autres souhaitent reconstruire. Rencontre avec ceux qui font le pari de l’avenir en Calédonie.
Léa Beaumont est infirmière puéricultrice au Médipôle dans les services de néonatologie et de maternité. Depuis novembre 2023, elle est également accompagnante périnatale à son compte. L’objectif, « apporter aux familles calédoniennes un soutien dans la parentalité », explique-t-elle.
Des conditions de travail dégradées
La crise qui a démarrée le 13 mai a fortement impacté son activité professionnelle. « Les premières semaines, j’ai dû rester dormir à l’hôpital, raconte-t-elle. Je ne suis pas rentrée chez moi durant cinq jours. C’était épuisant ». Encore aujourd’hui, la situation reste stressante pour le personnel soignant : « Le Médipôle propose des navettes matin et soir mais c’est assez anxiogène car on ne sait jamais si les navettes pourront venir, explique-t-elle. Il y a cette fatigue mentale d’être sans cesse sur le qui-vive. On va au travail avec des sacs à dos contenant des rechanges et une trousse de toilette au cas où l’on doive encore dormir sur place ». Léa souligne également le manque d’effectifs au sein de différents services…sans parler des départs, de plus en plus nombreux : « on est déjà sur une période où les soignants métropolitains partent car c’est l’été en France donc ils rentrent voir la famille, assister aux mariages, etc. Sur ces soignants, certains qui devaient revenir en septembre ont décidé de ne pas reconduire leurs contrats. De plus, certains « nouveaux » qui devaient arriver sur le territoire ont annulé ». La crise a également impacté son entreprise individuelle. « J’ai été formée au bain thérapeutique, explique-t-elle. Mon objectif était de proposer ces bains dans le service de néonatologie au Médipôle et auprès des particuliers. J’ai remporté un appel à projet du gouvernement qui était accompagné d’une subvention me permettant de proposer gratuitement ce service aux parents en néonatologie sur mes jours de repos ». La jeune femme devait effectuer 100 bains au total. À cause de la crise, le gouvernement lui a demandé de mettre en pause ce service par manque de fonds pour verser la subvention.
« Je trouve que cette identité calédonienne
n’est pas représentée «
Crise de l’identité
Descendante de bagnards du côté de son père, originaire de France métropolitaine du côté de sa mère, Léa a du mal à se situer face à la crise traversée par le territoire. « Je ressens un trouble de l’identité, explique-t-elle. Je ne sais pas à quel pays j’appartiens parce que je ne me considère ni Kanak, ni française… Je me considère calédonienne. Je trouve que cette identité calédonienne n’est pas représentée, on ne voit que le clivage entre Kanaky et France ». Ce rejet qu’elle ressent, Léa ne le comprend pas, d’autant plus qu’à travers son métier, elle aide de nombreuses familles, toutes ethnies confondues. Si la situation est difficile, Léa arrive néanmoins à relativiser : « j’ai encore mon métier, mon chéri a encore son métier, mes parents sont en bonne santé… De toute manière, en temps de crise, on revient aux bases : pouvoir se loger, manger, être en bonne santé ». La jeune femme a du mal à voir comment on sortira du conflit, considérant qu’il y « deux clans complètement fermés », mais malgré cela, elle n’envisage pas de quitter le territoire : « j’ai envie de rester parce que j’aime ce que je fais en tant qu’infirmière, j’aime mon métier. Je suis motivée à rester, mais j’aimerais bien que les pouvoirs publics nous rassurent sur la suite, parce que psychologiquement, c’est compliqué », conclut-elle.