L’émotion est vive à Maré, où l’usine de distillation de Santal installée à Wakuaori-Maré a été la proie des flammes dans la nuit de dimanche à lundi. Les pompiers de la commune se sont immédiatement rendus sur place. L’incendie survenu dans le site de Takone, pour une raison encore indéterminée, affecte le plus beau site industriel du genre, non seulement aux iles Loyauté, mais en Nouvelle-Calédonie. Une production, démarrée en 2010, dont la qualité a acquis une réputation mondiale dans le monde fermé des parfumeurs, et qui emploie quelques 25 personnes.
Elle est aussi un lieu de visite pour les croisiéristes, curieux de découvrir ce fleuron de la parfumerie. À chaque bateau, le bus de l’entreprise conduit par un chauffeur parlant anglais, se charge d’acheminer les visiteurs jusqu’à l’usine.
La découverte du santal néo-calédonien par les Européens
Les Européens découvrent le santal néo-calédonien dans la première moitié du XIXe siècle. À cette époque, les colons britanniques établis en Australie commercent activement avec la Chine, notamment en important des cargaisons de thé. Cependant, en contrepartie, les Chinois n’ont que peu d’intérêt pour les produits européens, à l’exception du santal. Ce dernier, dont l’Inde était le principal fournisseur, commence à manquer. En effet, les temples chinois et les particuliers consomment une quantité astronomique de santal sous forme d’encens.
La découverte du santal en Nouvelle-Calédonie
En faisant escale dans l’archipel calédonien, des capitaines de navires australiens découvrent, presque par hasard, que les forêts locales regorgent de santal. C’est dans la grande anse du nord-ouest de Lifou, aujourd’hui appelée la baie du Santal, que les habitants brûlent du bois dont les fumées parfumées attirent l’attention des marins. Dès 1840, les santaliers commencent à remplir leurs bateaux de bois précieux, qu’ils échangent avec les Kanaks contre de la verroterie, des objets métalliques et des fusils.
Les tensions entre santaliers et insulaires
Les relations entre les santaliers et les insulaires deviennent conflictuelles entre 1842 et 1865. Toutefois, ces tensions s’apaisent à partir de 1865, bien que la ressource en santal commence à s’épuiser. En 1908, 230 tonnes de santal sont encore exportées, mais ce chiffre chute rapidement, menant à un épuisement presque total des stocks entre 1970 et 1980.
Les caractéristiques du santal néo-calédonien
L’espèce de santal endémique de Nouvelle-Calédonie se nomme Santalum austrocaledonicum. Bien qu’elle diffère du Santalum spicatum d’Australie, elle se rapproche davantage du Santalum album de l’Inde. Le nez de Chanel, Olivier Polge, décrit cette variété de santal comme étant « crémeuse, texturée, chaude, opulente, avec une densité particulière ». Cette matière première est essentielle à la composition de fragrances iconiques, telles que Chanel N° 5, Bois des Îles, et Bleu, que la maison Chanel se procure exclusivement en Nouvelle-Calédonie depuis 2010.
La régulation et la durabilité de la récolte
Au début des années 2010, la récolte du santal souffrait d’une totale anarchie. Aucune régulation ni contrôle n’étaient exercés, mettant ainsi en danger la durabilité de la ressource et faisant peser la menace d’une déforestation massive. Pour mettre un terme au commerce illicite et protéger cette ressource précieuse, la Nouvelle-Calédonie a interdit en 2015 l’exportation de bois de santal non transformé. Désormais, le bois doit être transformé sur place.
Le rôle de Chanel dans la préservation du santal
Afin d’assurer la durabilité du santal, Chanel a lancé une initiative en partenariat avec un programme de préservation des arbres de santal. L’objectif est de préserver 75 000 arbres dans leur milieu naturel. Cette démarche fait partie des efforts de la marque pour garantir une récolte éthique et durable du santal de Nouvelle-Calédonie.
Jean Waikédré et la gestion raisonnée du santal
Parmi les spécialistes de la biodiversité calédonienne, l’ingénieur agronome Jean Waikédré est une figure incontournable. Ancien chercheur à l’Institut de recherche pour le développement, il a évolué vers un rôle d’entrepreneur brillant, en particulier dans la gestion raisonnée du santal de Chanel. Avec la grande chefferie de Guahma et le groupe Robertet, Jean Waikédré a permis la mise en place de pratiques responsables pour la récolte du santal.
L’enquête va déterminer si l’incendie résulte d’un accident, ou s’il s’agit d’un acte criminel. Accident ou acte malveillant, c’est non seulement une installation industrielle -une de plus- qui est à terre, mais également un emblème mondial d’un produit précieux de la forêt calédonienne qui est atteint, autant que le savoir-faire et la réussite brillante d’un ingénieur-entrepreneur kanak
