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    HANVIE, EXEMPLE DE RÉSILIENCE ET DE SOLIDARITÉ

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    Dans une crise, ce sont souvent les personnes les plus vulnérables qui sont le plus impactées… mais aussi les plus résilientes. Zoom sur la structure Hanvie, déterminée à continuer malgré le manque de visibilité.

    Hanvie est une structure d’insertion par le travail qui accueille des salariés en situation de handicap. Le parcours d’insertion dure 8 mois, et fonctionne en roulement : il y a régulièrement de nouveaux arrivants, qui sont ainsi aidés par les plus anciens, dans une optique de transmission. « Le tremplin que nous avons choisi pour développer leurs compétences et leur employabilité, c’est de créer des objets, du mobilier ou encore de la décoration à partir de matériaux de récupération », explique Rebecca Frolla-Miñana, directrice d’Hanvie.

    Comment Hanvie a-t-elle réagi à la crise ?
    La structure d’insertion a fermé ses portes du 13 mai au 26 mai, tout en gardant un contact téléphonique avec l’ensemble de leurs salariés. La semaine suivante, l’équipe encadrante s’est réuni afin d’échanger sur la situation. Après réflexion, et suite à une demande très forte de la part des salariés, la structure a décidé de rouvrir ses portes. Dans un premier temps, uniquement le matin et avec ceux qui avaient la possibilité de se déplacer, puis après deux semaines « test », à temps plein. Avant la crise, Hanvie n’observait ni abandon, ni absentéisme. Depuis…rien n’a changé. L’équipe encadrante comme les salariés ont tous manifesté le désir de reprendre, et personne n’a lâché.

    Se pose alors l’enjeu du déplacement. Des personnes sans emploi, et de surcroît en situation de handicap, n’ont pas forcément les moyens financiers et techniques d’avoir une voiture. Avec l’arrêt des bus, ils sont nombreux à être bloqués chez eux. « Certains salariés peuvent venir travailler car ils habitent à proximité, un de nos salariés à une voiture, et nous avons un salarié très motivé qui habite à St-Michel, et qui a décidé de venir à vélo jusqu’à Magenta, décrit la directrice. D’autres salariés habitent malheureusement trop loin. Au début, nous avons pu reprendre uniquement avec ceux qui pouvaient se déplacer, mais en voyant la motivation des salariés, nous avons décidé de mettre en place un service de navettes ». À noter que ce nouveau service a été mis en place sur les fonds propres d’Hanvie, malgré des prévisions assez pessimistes au vu du contexte.

    Au-delà du transport, c’est tous les aspects de la vie quotidienne qui ont été impactés. « Nous avons perdu beaucoup d’avantages que l’on avait pour nos salariés, affirme Rebecca. Le snack de la Banque Alimentaire nous fournissait des repas à faible coût, mais il a été vandalisé donc nos salariés n’ont plus de repas. Le SMTU finançait des cartes de bus pour nos salariés, mais aujourd’hui, il n’y a plus de bus. Cet effet domino, on le sent vraiment, et on risque de se diriger vers encore plus de précarité ».

    « Cet effet domino, on le sent vraiment
    et on risque de se diriger
    vers encore plus de précarité
     »

     Bienveillance et neutralité
    Recommencer le travail après les évènements, ce n’est pas quelque chose d’anodin. « Lorsque nous avons repris, nous avons insisté sur l’importance de la neutralité et de la bienveillance, explique Rebecca. Nous nous considérons comme une bulle de protection, un refuge ». Parallèlement à la reprise d’activité, la directrice a reçu tous les salariés en entretien individuel : « il y a beaucoup d’incompréhension, de peur et de sidération », confie-t-elle.

    S’insérer dans un monde économique à terre
    À la fin du parcours d’insertion de 8 mois, les salariés tentent de faire leur place dans le monde professionnel calédonien. Mais en ce moment, les difficultés s’accumulent. « Les deux mois qui viennent de passer ont été très compliqués pour ceux qui étaient en fin de parcours parce qu’on n’a rien pu leur proposer, et on n’a pas pu prolonger leur contrat, souligne la directrice. Néanmoins, nous les voyons toujours et nous avons toujours un lien avec eux ».

    Chez Hanvie, le vendredi matin est dédié à l’insertion : les professionnels sur place aident les chercheurs d’emploi dans leurs démarches. Suite aux impacts de la crise, d’anciens salariés qui avaient réussi à s’insérer ont perdu leur emploi. « On se retrouve avec certains « anciens » qui avaient quitté Hanvie depuis un an, deux ans, qui avaient un CDI, un logement… Ils reviennent vers nous car nous sommes leur port d’attache, leur structure de référence », explique Rebecca. N’ayant plus d’aide associée à ces anciens salariés, l’équipe encadrante les accompagne bénévolement : « on les écoute, on les aide sur le CV, la lettre de motivation, regarder les offres d’emploi, candidater, faire la demande de chômage… En fait, nous avons repris des accompagnements complets d’insertion avec ceux qui ont perdu leur emploi ». La démarche est particulièrement complexe, considérant que les offres d’emploi sont rares dans le contexte actuel, et que la demande augmente. Rebecca le souligne, les personnes en situation de handicap sont particulièrement résilientes de par les problématiques qu’elles vivent au quotidien : « bien sûr, ce qu’il s’est passé les a fortement impactés, mais elles ont cette manière de voir les choses, une sorte de philosophie : « oui c’est comme ça, mais on va de l’avant ». Et ça, c’est une vraie leçon pour nous. Alors on y va, on bosse, on s’adapte. Vivre au jour le jour, les salariés en précarité le font déjà ».

    À la recherche de nouveaux projets
    Pour fonctionner, Hanvie compte sur deux financements : des subventions, qui soutiennent les parcours d’insertion, et des commandes. « On fait beaucoup de commandes personnalisées pour les entreprises et les institutions, explique Rebecca. On répond à des appels à projet. Nous avions d’ailleurs obtenu de beaux projets, mais qui ont tous été annulés ». Par exemple, Hanvie avait été sélectionné pour réaliser une installation dans le cadre du Festival de Nouméa, ainsi que pour des fresques pour la ville de Dumbéa, deux projets qui ont été annulés au vu du contexte social. Le financement des parcours de 8 mois est maintenu jusqu’à la fin de l’année, mais aucune certitude quant à l’année prochaine car les financeurs sont eux-mêmes dans le flou par rapport à leur trésorerie. Quoi qu’il en soit, ce financement ne permet pas de couvrir l’intégralité des charges fixes. « On devait développer un chiffre d’affaires d’au moins 8 millions pour compléter » précise Rebecca. Un objectif qui ne sera pas atteint, au vu de la perte des différents projets de la structure. « Nous avons perdu 11 millions de commandes en deux mois, s’inquiète la directrice. Tout notre prévisionnel est tombé à l’eau. Franchement, on démarrait l’année avec de supers beaux projets, et une visibilité sur nos objectifs à atteindre. Aujourd’hui, il n’y a plus rien. Ça va être une année très compliquée, on ne sait pas si on va réussir à être encore en vie en janvier 2025 ».  En bref, la situation n’est pas simple. Néanmoins, Hanvie accueille toujours son public avec le même engagement. « Malgré tout ce qui se passe, la bienveillance, la solidarité et l’engagement sont toujours aussi forts au sein de la structure », conclut-elle.

    « Pensez à l’économie circulaire »

    La Nouvelle-Calédonie n’a pas le choix. Elle devra se reconstruire. Cette résurrection résultera de l’injection des financements nécessaires, mais cela ne sera pas suffisant. Il y faudra un supplément d’âme et un grand esprit de solidarité.  « J’espère qu’on construira différemment, avec plus de conscience de l’économie circulaire, souligne Rebecca. Aux entreprises et aux institutions qui veulent se reconstruire, pensez à l’économie circulaire, pensez à faire appel à des structures d’économie sociale et solidaires ». Le mot est lancé.

    Kim Jandot

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