Ce n’est pas la cinquième puissance mondiale. Ce n’est pas un pays doté de l’arme nucléaire. Le Salvador avait la réputation d’être le pire coupe-gorge de l’Amérique latine. Des viols par milliers, des enlèvements d’enfants quotidiens, les commerces rançonnés, en quelque sorte, la délinquance et le crime absolus, accompagnés toutes les atrocités, tel était le lot quotidien des Salvadoriens.
Pourtant, en moins de trois ans, la sécurité absolue a été rétablie. Le Salvador est devenu le pays le plus sûr de l’Amérique, après le Canada, quand la France, à titre de comparaison, se situe 27 places derrière, selon l’institut Gallup. Désormais, dans les villes, à la campagne, les jeunes filles se promènent le soir sans risque d’être enlevées ou violées. Les enfants peuvent jouer à toute heure sans risquer un rapt. Les adultes vivent tranquillement, sans être menacés, les commerçants exercent sans être rançonnés. Mais quelle est donc la clé de ce miracle, qui a été accompagné de la construction de la plus grande prison au monde ? Elle peut accueillir le nombre incroyable de 40 000 détenus ! Découverte.
À 37 ans, Nayib Bukele, figure atypique et provocatrice de la scène politique salvadorienne, a remporté l’élection présidentielle dès le premier tour, le dimanche 3 février 2019, en obtenant plus de 53 % des suffrages. Il devient ainsi le président du plus petit, mais aussi du pays le plus densément peuplé d’Amérique centrale.
Depuis la fin de la guerre civile en 1992, qui a ravagé le Salvador pendant plus de dix ans, Bukele est le sixième à occuper la fonction présidentielle. Il s’est fixé pour objectif de briser le cycle infernal de la criminalité des gangs et de la pauvreté. La Constitution du pays prévoit un mandat présidentiel unique de cinq ans, sans possibilité de réélection.
Le principal défi auquel Bukele doit faire face est la violence des gangs, responsables de la majorité des 3 340 homicides recensés en 2018. Avec un taux de 51 meurtres pour 100 000 habitants, le Salvador figure parmi les pays les plus violents du globe hors zones de conflit armé. Environ 54 000 membres actifs des deux principaux maras – dont 17 000 sont incarcérés – imposent leur loi à travers extorsions, trafic de stupéfiants et assassinats, plongeant le pays dans une insécurité chronique.
Tout a basculé le week-end du 25 mars 2022, lorsque les gangs ont orchestré un bain de sang partout dans le pays, en assassinant plus de 87 personnes (dont 64 le seul samedi), souvent de simples passants. En réponse, le gouvernement a proclamé l’état d’urgence. Les fichiers accumulés sur les disques durs des forces de l’ordre sont alors devenus la base d’une vaste opération de rafles. Il fallait frapper vite et fort, quitte à commettre des bévues, parfois lourdes de conséquences. Parmi les personnes arrêtées, on dénombre, selon des ONG, de nombreux innocents.
Le jeune président met alors tout en œuvre pour mater le crime et la délinquance. Mesures musclées d’exception, répression impitoyable contre le crime, en 2023, il se targue d’un taux d’homicide réduit à 2,4 pour 100 000 habitants, contre … 87 pour 100 000 en 2019 à son arrivée à la présidence. 80 300 membres présumés de gangs sont placés sous les verrous sans mandat judiciaire.
Edifiée par Nayib Bukele, la prison du Cecot (centre de confinement du terrorisme) est l’édifice suprême, pour ne pas dire le temple même, du pouvoir judiciaire au Salvador. Mais c’est aussi le symbole d’une bataille spectaculaire remportée contre l’une des criminalités les plus féroces que la planète ait connue. Elle peut accueillir 40.000 détenus dont la plupart de reverront plus jamais le ciel de la liberté. Actuellement, elle n’en accueille “que” 14.000, une véritable ville comparée à Fleury-Mérogis, le plus grand centre pénitentiaire d’Europe, qui compte « seulement » 3500 détenus. Le Cecot se trouve aussi loin que possible de tout, à l’écart des agglomérations, à 74 kilomètres précisément au sud-est de la capitale San Salvador.
Tout, dans ce centre carcéral, est démesuré. Quant aux chiffres sur le plan national, ils donnent le vertige. Au Salvador, on compte actuellement 80.000 prisonniers qui sont répartis entre 25 établissements pénitentiaires.
Dans ce régime d’état d’urgence permanent, le temps démocratique et la séparation des pouvoirs n’ont pas grand-chose de comparable avec ce qu’ils sont dans un pays comme la France. Naib Bukele se définit lui-même sur le ton de la plaisanterie comme “le dictateur le plus cool de la planète”.
Bien sûr, il subit les critiques les plus violentes, et a fait modifier la Constitution pour effectuer un second mandat. Mais cela convient bien à la population du Salvador qui lui sait gré de ce qu’il a été capable de faire en si peu de temps. Son taux de popularité est de … 90%, et il a été réélu en février dernier par 84% des votants salvadoriens.
