À quel point la pollution lumineuse est-elle coupable de l’échouage massif des pétrels en Nouvelle-Calédonie ? C’est le sujet d’un nouvel article qui sera publié sous peu dans la revue scientifique Zoological Studies.
Trois scientifiques se sont penchés sur cette question : Philippe Borsa, chercheur à l’institut de recherche pour le développement (IRD) et membre de la Société Calédonienne d’Ornithologie (SCO), Jennifer Mareschal de l’Université Jean-Monnet et également membre de la SCO, ainsi que Vivien Chartendrault, membre de la Ligne de protection des oiseaux Auvergne-Rhône-Alpes. À noter que cette étude est la première enquête dédiée au phénomène d’échouage des oiseaux marins en Nouvelle-Calédonie.
Mieux comprendre le phénomène pour mieux le contrôler
En Nouvelle-Calédonie, il existe cinq espèces de pétrels – le pétrel du Herald, le pétrel de Gould, le pétrel à ailes noires, le pétrel de Tahiti et le puffin fouquet – ainsi qu’une espèce de petit pétrel « tempête », le Pétrel-tempête de Nouvelle-Calédonie. Cette nouvelle étude, conduite en analysant les échouages signalés entre 2007 et 2009, a plusieurs objectifs : identifier les espèces de pétrels les plus affectées par le phénomène d’échouage, connaître les endroits d’échouage les plus fréquents, ainsi que les moments de l’année où on dénombre le plus d’échouages. Tout cela, bien sûr, dans un but informationnel afin d’aider les pouvoirs publics à prendre de bonnes décisions en matière de protection de la biodiversité.
Les jeunes puffins fouquet, principales victimes des échouages
Qui ? Sur les 523 échouages enregistrés, 80 % étaient des puffins fouquet, 14 % des pétrels de Gould, et 5 % des pétrels de Tahiti. Les autres pétrels de Nouvelle-Calédonie ne figurent pas dans les données, probablement en raison de leur rareté.
Où ? La majorité des échouages a eu lieu à Nouméa (58 %), suivi de Goro (15 %), de Païta (5 %) et de l’aéroport de Tontouta (4 %). À noter que la plupart des échouages de puffins fouquet sont enregistrés dans l’agglomération du Grand Nouméa, à proximité de grandes colonies situées sur les îlots M’Ba et Signal.
Quand ? Les échouages de puffins fouquets et de pétrels de Gould présentent des pics synchronisés avec les départs des jeunes oiseaux de leur terrier, soit en avril et mai. Quant au pétrel de Tahiti, il s’échoue tout au long de l’année.
Les résultats de l’étude désignent sans ambiguïté la pollution lumineuse comme le principal facteur d’échouage, notamment sur des zones peu peuplées mais fortement éclairées, comme l’aéroport de Tontouta ou le site industriel de Goro. Les jeunes oiseaux, encore inexpérimentés, sont particulièrement sensibles : attirés par les lumières artificielles, ils perdent leur orientation, s’échouent au sol et deviennent vulnérables aux prédateurs et à l’épuisement.
Ce phénomène est d’autant plus préoccupant que les populations de pétrels sont en déclin. En Nouvelle-Calédonie, cette situation est particulièrement alarmante pour le pétrel de Gould, classé en danger d’extinction et pour le pétrel de Tahiti, menacé par les prédateurs et les activités minières.
Agir pour protéger les pétrels
Face à ce constat alarmant, les chercheurs appellent à des mesures concrètes comme réduire la pollution lumineuse, par exemple en adoptant des éclairages moins attractifs pour les oiseaux, en dirigeant les lumières vers le bas ou encore en éteignant celles qui ne sont pas nécessaires, en particulier pendant les périodes critiques (avril et mai). Rappelons que plus de 30% des espèces d’oiseaux marins sont menacées d’extinction, d’où l’importance d’agir pour éviter que cette situation n’empire.
Kim Jandot
Crédit photo : IRD / P. Borsa