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    DANS L’OMBRE DES DRAMES : LE COMBAT DE KARINE DESTOURS CONTRE LES VIOLENCES

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    En 2025, on fait briller celles et ceux qui le méritent. Associations, membres de la société civile, projets, idées novatrices… Ils incarnent les valeurs qui nous rassemblent et nous inspirent au quotidien. Aujourd’hui, place à Karine Destours, juriste et coordinatrice du dispositif d’accueil des victimes de violences conjugales et intrafamiliales au Médipôle. 

    Chaque année, la Nouvelle-Calédonie est pointée du doigt comme étant le territoire français où on dénombre le plus de violences intrafamiliales. Face à ce triste record, certains ont décidé d’agir en première ligne. C’est le cas de Karine Destours, engagée auprès des victimes de violences conjugales et intrafamiliales. Un choix de carrière qui semble comme une évidence : « Je pense que ça vient en partie de mon parcours familial, explique-t-elle. En Nouvelle-Calédonie, on est souvent baigné dans des contextes de violences familiales ou amicales, parfois très proches de nous. Cela m’a interpellée très jeune ». Dans un premier temps, elle s’oriente vers le droit, « pour lutter contre l’injustice ». Elle obtient son diplôme, devient juriste, et entre dans la fonction publique. Au cours de sa vie professionnelle, elle fait la rencontre de Marie-Noëlle Thémereau : « grâce à elle, j’ai découvert ce qu’était le travail social, souligne Karine. J’ai travaillé à la DPASS [Direction provinciale de l’action sanitaire et sociale] où je prenais en charge des auteurs et des victimes de violences et je faisais un travail de sensibilisation auprès du public, puis on m’a proposé de monter ce dispositif à l’hôpital ». Au départ, le dispositif était un test pour voir s’il répondait véritablement à un besoin. Cinq ans plus tard, la réponse est évidente : ce dispositif est indispensable.

    Soigner les blessures visibles et invisibles

    Avant d’agir, il faut écouter. C’est le rôle de Karine : entendre les histoires douloureuses pour comprendre les besoins de la personne en face d’elle. « Avant toute chose, il faut les aider à répondre à leurs besoins fondamentaux : manger, dormir, précise la juriste. Ensuite, nous essayons de les accompagner vers une autre vie. Mais si leurs besoins de bases ne sont pas satisfaits, il est impossible de penser à autre chose ». Comment ces personnes, majoritairement des femmes, arrivent-elles dans le bureau de Karine ? « Certaines victimes sont hospitalisées, et ce sont les équipes soignantes qui nous appellent pour intervenir. D’autres victimes nous sont orientées par des assistantes sociales, des médecins libéraux ou même des gynécologues. Par exemple, un médecin peut nous signaler une femme enceinte présentant des signes de violence et nous demander de l’aider ». Mais Karine le précise : tout se fait sur une base volontaire : « si une personne ne veut pas être aidée, on ne la force pas ». Lorsqu’une victime de violences souhaite se sortir de sa situation, les étapes sont longues, et parfois complexes. C’est là que Karine entre en jeu. « Mon rôle est d’intervenir pour les démarches légales : divorces, garde d’enfants, ou orientation vers des psychologues. La plupart des victimes sont pluri-traumatisées : ce sont des traumatismes d’enfance qui se répètent à l’âge adulte. Si ces blessures psychologiques ne sont pas soignées, elles risquent de revivre les mêmes schémas, même avec un compagnon différent ».

    Une violence en augmentation

    En cinq ans, le nombre de consultations a varié. « Les deux premières années, on recevait entre 20 et 25 nouvelles personnes par mois, précise Karine. Ce chiffre s’est ensuite stabilisé autour de 15. Sans surprise, il y a eu une baisse pendant les émeutes. Mais malheureusement, depuis le mois d’octobre, c’est reparti encore plus fort : on retrouve les chiffres du début avec une vingtaine de nouvelles victimes accueillis chaque mois ». Pour elle, la violence observée dans les rues durant les émeutes et la violence intrafamiliale sont liées. « Je crois que beaucoup de jeunes impliqués dans les émeutes sont les compagnons des femmes que je reçois, affirme-t-elle. Ces violences, habituellement confinées aux cercles privés, ont explosé dans la rue en mai. Maintenant, elles retournent à l’intérieur des familles, parfois avec plus d’intensité ».

    Reconstruire des vies brisées

    Karine le souligne, la population qu’elle rencontre est souvent en grande difficulté : « Ce sont surtout des jeunes qui viennent des squats aux alentours, sans carte d’identité, sans aide médicale, avec peu d’éducation, pas de soutien familial… Ce sont des femmes, souvent très jeunes, déjà mères de plusieurs enfants, confrontées à des compagnons qui multiplient les addictions et sont parfois passés par la case prison ». Un portrait dur, mais réaliste, que Karine a déjà dépeint aux collectivités à de nombreuses reprises. Face à cette triste réalité, comment garder espoir en demain ? « Ce qui me motive, ce sont les résultats concrets, souligne Karine. Voir des femmes, qui sont arrivés en baissant les yeux par peur de se faire « bombarder », et qui aujourd’hui relèvent la tête, littéralement, c’est une immense satisfaction ».

    Un lien entre précarité et violence

    Pour calmer ces éclats de violence, beaucoup misent sur la répression, mais cette méthode ne semble pas être efficace sur le long terme. Pour Karine, la solution reste de travailler sur plusieurs fronts, à commencer par les enfants : « ce sont les enfants victimes ou témoins de violences qui risquent de reproduire ces mêmes comportements une fois adultes, souligne-t-elle. D’où l’importance de bien les prendre en charge ». La juriste pointe également du doigt les addictions, omniprésentes lors des actes de violences. Pour Karine, il est essentiel de renforcer les dispositifs d’insertion et de protection existants.

    Suite aux émeutes, plusieurs collectivités ont décidé de couper certaines aides sociales, des décisions soutenues par une partie de la population. Si Karine comprend la colère, elle souhaite alerter sur les conséquences de ces coupures : « toutes les études montrent que la précarité amène la violence. En coupant les aides, on augmente la précarité, ce qui risque d’exacerber la violence ».

    Mais qu’importe les décisions politiques, Karine Destours continuera d’être un pilier pour les victimes de violences. Petit à petit, grâce à son écoute et son accompagnement, ce sont des vies qui se reconstruisent. Un engagement profond et total qui inspire à passer à l’action pour bâtir une société plus juste.

    Kim Jandot

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