Pourrait-on trouver l’emplacement de la Place des Cocotiers dans les premiers relevés topographiques de Port de France, devenu Nouméa en 1866 ? Certainement pas. Cet endroit était tout simplement sous les eaux d’une baie, fermée à son extrémité ouest par la Butte Conneau, au nord, par la colline sur laquelle le premier hôpital Gaston Bourret, et à l’est, par ce qui est aujourd’hui la rue Sébastopol. Comme le savent la plupart des Nouméens, ce qui constitue aujourd’hui le centre-ville, et plus particulièrement la Place des Cocotiers, est construit sur des remblais réalisés par les forçats employés par l’administration pénitentiaire.
Le chef de Bataillon Coffyn, dont le nom a été donné au Mont Coffyn, ingénieur du Génie de son état, est chargé de tracer le plan de la ville dès 1855, l’année suivant le choix du site pour l’édification de la capitale. Il en dessine les premières rues autour de la baie, l’implantation militaire, « Fort Constantine », se situant sur la colline qui accueillera plus tard l’hôpital. Dès ses réflexions sur l’urbanisme de la future ville, il imagine la construction d’une place publique, gagnée sur la mer. Ce sera, en cette année de réalisation du plan d’urbanisme, la Place Napoléon III, en l’honneur de l’empereur qui règne alors sur l’Empire Français.
Mais dès 1861, ce sera plutôt la Place de l’Infanterie de Marine. Naturel, puisque Port de France est alors une place essentiellement militaire. Et déjà, puisque les premières plantations sont des cocotiers, robustes, adaptés au climat, nécessitant peu d’arrosage, les quelques habitants de la ville l’appellent volontiers la Place des Cocotiers.
Les remblais sont achevés en 1878. L’endroit devient un lieu de flânerie, de promenade et de rencontre apprécié des Nouméens. Pour lui donner vie, un kiosque à musique y est édifié, construit par les « employés » de l’administration pénitentiaire. Nouméa y connaîtra ses premiers concerts, sous la lyre de métal, seul vestige préservé datant de cette époque. En effet, le bâtiment, vermoulu, termité, sera reconstruit à l’identique sous le magistère de Jean Lèques, en 1986. Mais la lyre sera conservée.
La Place de l’Infanterie sera rebaptisée Place Feillet en 1903, en l’honneur de gouverneur, artisan d’un grand développement agricole en Nouvelle-Calédonie, tout autant que de l’arrêt des convois pénitentiaires vers « la Nouvelle ».
Entretemps, les remblais se sont poursuivis. La Place Courbet est mise hors d’eau à partir de 1885. Elle s’étend alors jusqu’à la Place de la Paix actuelle. Ce n’est évidemment pas le plan de ville actuel. Pour quelles raisons ?
C’est qu’en 1892, les édiles décident de faire passer en son milieu nord-sud, une rue dénommée rue de Rivoli, et qui deviendra l’actuelle rue Georges Clémenceau. Pour l’architecturer, cette traversée sera animée par une fontaine municipale de 8 mètres de hauteur. Ce sera notre fontaine Céleste, du nom du modèle franco-algérien, Céleste BenYamina, une belle femme qui inspirera le sculpteur chargé de l’œuvre, Paul Mahoux. La partie sud de la Place Courbet désormais coupée en deux sera dénommée Place de la Marne, en mémoire de la fameuse bataille menée par les Poilus de la Grande Guerre.
L’architecte-voyer Pouillet dessinera, quant à lui, la quatrième partie de l’ensemble qui est désormais connu sous le nom de Place des Cocotiers. Ce seront d’abord Les Jardins Sauvan, du nom d’un maire de Nouméa, plantés d’espèces végétales spécifiques, qui verront le jour en 1892. Cinq ans plus tard, le lieu sera renommé Place Olry, puis ornée de la statue qui a récemment été déplacée pour siéger dans les jardins du Musée de la Ville.
La suite est très contemporaine, et bien connue des Nouméens d’aujourd’hui. La Place Olry a cédé … la place à celle de la Paix en 2020, en présence de Sébastien Lecornu. Une sculpture monumentale de la poignée de mains entre Jean-Marie Tjibaou, réalisée par le sculpteur Fred Fichet, y a été inaugurée le 26 juin 2022.
La Place des Cocotiers, surgie des eaux par la volonté des responsables militaires de l’époque, aménagé par les édiles de la Ville de Nouméa ensuite, porte toute une histoire de la cité. Elle a été aménagée plusieurs fois, connaissant sans cesse des améliorations, aussi bien dans son architecture que pour ses éclairages. Elle est davantage un lieu d’animation lors des Jeudi du Centre-ville, et un espace de rencontre abondamment fréquenté par des élèves le mercredi après-midi. Une évolution que nous rappellerons dans notre édition prochaine. (à suivre)